L’idée populaire selon laquelle une personne hémophilie saignerait de manière exceptionnelle et en quantité démesurée a la vie dure. Pourtant, au risque de vous décevoir, celle-ci est absolument fausse1 ! Point d’effet tsunami ou rupture de barrage mais plutôt un écoulement sanguin normal, qui s’étend dans la durée et peine à s’arrêter.

Ecchymoses, hémarthroses et hématomes : lumière sur les véritables symptômes de celle que l’on surnomme “la maladie des rois”. 

Les symptômes chez l’adolescent et l’adulte

Externes ou internes. Voici les deux grandes familles de saignements. Celle dont nous sommes le plus familiers est la première : les saignements externes. Comme son nom l’indique, dans ce cas de figure, le sang coule en dehors du corps, il est donc plus facile à repérer et à prendre en charge.

Au contraire, les saignements internes prennent lieu à l’intérieur de notre corps, sans que nous nous en rendions nécessairement compte.

Dans un cas, comme dans l’autre, ces saignements sont fréquents en cas d’hémophilie A, B ou C, c’est pourquoi il est nécessaire de savoir les déceler et les prévenir.

Bon à savoir : chez la femme, du fait des menstruations, savoir comment réagir face à des saignements abondants est d’autant plus important. C’est pourquoi nous vous conseillons de vous référer à notre article dédié à l’hémophilie chez la femme.

Les saignements externes

Quand on est hémophile ou que l’un de ses proches l’est, la moindre coupure peut être source d’angoisse. S’il n’y a rien d’anormal à cela, il faut savoir que la plupart des saignements externes sont bénins2, à condition, bien sûr, de savoir les gérer. 

Étape 1 : identifiez la gravité de la plaie. Est-elle profonde ? Étendue (plus de la moitié de la paume de la main de la personne touchée) ? Située près d’un organe vital ou d’un orifice naturel ? Contient-elle des corps étrangers ? Si la réponse est oui à au moins l’une de ses questions, alors il s’agit d’une plaie grave3. Sinon il s’agit d’une plaie superficielle (aussi appelée simple).

Étape 2 : agir en conséquence  

  • Face à une plaie grave : contactez le SAMU (15) ainsi que le centre de référence et le médecin vous suivant. Le but ici est la réactivité : plus le traitement anti-hémorragique est administré tôt, plus il sera effectif4. Puis, placez-vous en position d’attente : 
    • en position semi-assise en cas de blessure à la poitrine5.
    • sur le dos si la blessure est située au niveau des membres ou à l’œil6
    • sur le dos avec les jambes relevées si la plaie se situe à l’abdomen7
  • Face à une plaie superficielle : nettoyez la plaie puis désinfectez-la. Avec une compresse stérile, comprimez ensuite la plaie pendant une dizaine de minutes afin de stopper le saignement. Vous pouvez également y appliquer un produit coagulant8.
  • Le cas du saignement de nez : commencez par vous moucher doucement afin d’évacuer un caillot de mauvaise qualité qui aurait pu commencer à se former, puis nettoyez votre narine avec du sérum physiologique. Enfin, comprimez-la pendant 10 minutes en penchant la tête en avant9.

Les hémorragies internes

Plus difficiles à déceler car non-visibles, les saignements internes surviennent généralement après un traumatisme ou un effort trop important10. S’ils ne sont pas pris en charge à temps, ils peuvent avoir des conséquences sur la qualité de vie de la personne hémophilie et, dans le pire des cas, sur son pronostic vital. Heureusement, des signes avant-coureurs permettent de déceler un saignement interne, il suffit de savoir y prêter une oreille attentive.

Les hématomes

C’est le saignement interne le plus connu, l’hématome. Parfois confondue avec son cousin l’ecchymose (ou bleu), du fait de sa couleur bleutée virant au vert puis au jaune11, l’hématome présente un gonflement qui s’explique par sa nature : un épanchement sanguin sous-cutané qui “forme une collection de sang saillante sous la peau”12

S’il est généralement bénin et seulement douloureux au toucher, en fonction de sa localisation et de sa profondeur, il peut avoir des symptômes et des conséquences plus importantes. C’est particulièrement le cas des hématomes : 

  • des muscles du bras et de l’avant-bras pouvant entraîner un syndrome de Volkmann13
  • de la cuisse et du mollet qui entraînent un risque de compression des nerfs et des vaisseaux sanguins alentours14,15.  
  • du plancher de la bouche entraînant un risque d’asphyxie16
  • rétro orbitaire, entraînant un risque de cécité17
  • du psoas, dont les symptômes sont parfois confondus avec ceux l’appendicite et qui peuvent entraîner des pseudos tumeurs hémophiliques au traitement particulièrement complexe18

Il est nécessaire d’apporter une attention particulière à l’évolution de ces hématomes, certains pouvant demander une intervention chirurgicale pour favoriser la résorption. En cas de doute, n’hésitez pas à en parler avec votre médecin.

Les hémarthroses

Si l’hématome est un saignement dans le muscle, l’hémarthrose, elle, est un saignement qui se produit au niveau de l’articulation. Particulièrement fréquente au sein de la communauté hémophile, celle-ci touche principalement les genoux, les chevilles ainsi que les coudes19. Autrement dit, les articulations soumises à des pressions importantes et/ou peu protégées20. Plus rarement, elles peuvent toucher les épaules et les hanches21. Elles apparaissent généralement pour la première fois dès l’âge de 2 ans et se répètent de manière régulière tout au long de la vie de la personne hémophile22

Pourtant, c’est justement le côté répétitif de l’hémarthrose qui est dangereux. En effet, le dépôt de sang est “toxique” pour le cartilage. De manière répétée, il peut réduire l’amplitude des mouvements, entraîner une fonte musculaire jusqu’à la destruction de l’articulation23. Cela peut mener à une arthropathie chronique, affection douloureuse et handicapante24.

Une articulation gonflée, rouge et chaude, qui se redit et n’est soulagée qu’à la flexion sont autant de signaux d’alarme qu’il faut savoir saisir. La précocité et la bonne adhérence au traitement étant ici fondamentales pour éviter les lésions trop importantes sur l’articulation25.

Les hémorragies cérébrales et abdominales

S’il va de soi qu’il n’y a pas de saignement à prendre à la légère, surtout quand on est hémophile, certains sont plus alarmants que d’autres. C’est notamment le cas des hémorragies cérébrales et abdominales qui peuvent engager le pronostic vital. Heureusement, celles-ci sont plus rares que les autres hémorragies internes discutées plus haut26.

Pour pouvoir agir vite et efficacement dans le cas d’une de ces hémorragies, il faut en connaître les symptômes.

  • Symptômes de l’hémorragie cérébrale : des maux de tête (céphalées) persistants ou s’intensifiant, la nausée et/ou des vomissements, la perte d’équilibre, une sensation de somnolence, une faiblesse aux bras ou aux jambes, un manque de coordination, des convulsions, une raideur au niveau du cou, un strabisme et une vision trouble27,28… 
  • Symptômes de l’hémorragie abdominale : des douleurs à l’abdomen, des vomissements ainsi que la présence de sang dans la bile ou dans les selles après un traumatisme, même mineur, à l’abdomen29

En cas de doute face à des symptômes correspondants, pas de temps à perdre ! Contactez le 15 ou rendez-vous le plus vite possible aux urgences les plus proches muni de votre carte d’hémophilie et de votre traitement30.

Les premiers symptômes chez le bébé

Il est souvent bien compliqué de comprendre les cris et pleurs de bébé. Faim, fatigue, caprice ou douleur ? À défaut de pouvoir utiliser des mots pour vous dire ce qui ne va pas, son corps va s’en charger. 

Le premier signe de l’hémophilie chez un enfant va souvent être la présence de saignements buccaux. En effet, entre la poussée des dents de laits et les morsures qu’il peut s’infliger aux gencives et à la langue, un bébé hémophile a de nombreuses occasions de saigner31. Si ces saignements peuvent sembler impressionnants, c’est souvent qu’ils sont mélangés à la salive, les faisant paraître, dans la majorité des cas, bien plus graves qu’ils ne le sont réellement32

Le second signe est la présence répétée d’ecchymoses particulièrement au niveau des genoux et des mains quand il apprend à se déplacer à quatre pattes. Puis la présence de bosses et de bleus quand il apprend à marcher33.

Bon à savoir : les hémarthroses sont rares chez l’enfant de moins de deux ans34.

Pour en savoir plus sur l’hémophilie chez le nouveau-né et le jeune enfant, n’hésitez pas à vous reporter à notre article dédié. 

Comment vivre avec les symptômes ?

Toutes les précautions du monde ne pourront, malheureusement, empêcher une personne vivant avec l’hémophilie d’en ressentir les symptômes. Malgré tout, un traitement adapté et maîtrisé jumelé à des techniques de détente permettent d’apprendre à vivre sereinement avec la maladie et la douleur qu’elle peut entraîner. Ainsi des formes de médecines alternatives (sophrologie, hypnose, méditation..), la pratique d’un sport adapté ainsi que des séances de kinésithérapie préventives permettent de soulager les maux physiques. Les cercles de patients et un suivi psychologique peuvent, quant à eux, permettre d’apaiser les maux de l’esprit. 

Toutefois, en cas de douleur, quelques gestes réflexes : 

  1. Ne prenez JAMAIS d’aspirine, cette molécule fluidifie le sang. 
  2. Contactez votre médecin ou votre centre de référence. 
  3. Appliquer le protocole RICE, pour Repos, Glace toutes les 6 heures pendant 15 à 20 minutes, C pour Contention et E pour élévation du membre. 

Une bonne connaissance des symptômes liés à l’hémophilie et de son corps sont des alliés indispensables pour vivre sa maladie de manière sereine.


M-FR-00006251-1.0- Etabli en avril 2022


Sources