Singularité se plonge dans le quotidien de personnes qui vivent avec l’hémophilie. Nous commençons avec l’histoire de Matthieu, diagnostiqué hémophile A sévère dans les années 80, qui a réussi à se nourrir de cinéma, de littérature et de musique pour oublier, un temps soit peu, les douleurs liées à la maladie.

Grandir avec une maladie méconnue de son entourage

Deux ans, c’est l’âge où Matthieu a commencé à se mouvoir, constellant de bleus ses jambes de bébé. Deux ans, c’est également l’âge où il est diagnostiqué pour une maladie que ses parents ne connaissait pas vraiment à l’époque : l’hémophilie.

Je pense que mes parents se sont angoissés parce qu’à l’époque, les médecins ne nous donnaient pas beaucoup de temps à vivre.

Dans sa famille, cette maladie a commencé à inquiéter tout le monde car le corps médical n’était pas très optimiste à cette époque. Puis, la maladie est devenue plus accessible et on le laissait vivre sa vie de petit garçon. On lui disait de faire attention, sans pour autant lui faire sentir qu’il était différent ou malade.

Le cinéma comme échappatoire 

Comme Matthieu ne veut pas se priver des choses que les enfants de son âge adorent, il est souvent couvert de bleus, ses hémarthroses le font souffrir. Il doit donc rester chez lui, pour éviter de se faire encore plus mal.

Son beau-père, touché par sa situation commence à lui offrir des cassettes de tous les films qu’il trouve. Une passion pour le cinéma naît dans l’esprit de Matthieu, qui n’est alors qu’un enfant. Cet amour va se développer pour plusieurs arts, comme la BD, la littérature classique, puis la musique.

Quand on est malade tous les mois, c’est pratique les bandes dessinées. Ça sort tous les mois, je les achetais toutes

L’évasion hors de son corps grâce à la musique

Matthieu avait des parents qui écoutaient beaucoup de musiques, actuelle et plus ancienne. Il a ainsi grandi entre les disques de rock, de reggae et s’y est tout de suite senti bien.

Il y a des musiques qui sont anti-douleurs lorsque vous avez envie de vous évader. Hé bien pour moi, c’était le reggae.

Matthieu explique que, grâce à la musique, il a pu s’extraire de son corps, de son quotidien, de ses douleurs. Il raconte que son esprit occupé, il pouvait voguer hors de lui et retrouver dans la mélodie cette énergie dont il avait besoin. Dans le rock, le reggae et le blues, il retrouvait une sorte de rage, de puissance, que seules les personnes souffrantes possèdent. Ça l’a aidé à dépasser sa maladie et ses maux qu’il avait eu, parce qu’il voulait faire comme tous les autres.

Un froid salutaire

En 1997, Matthieu part en séjour à Berlin, ville avec laquelle il a un véritable coup de cœur. Le froid de décembre gênait les personnes avec qui il était, mais lui le trouvait plutôt salvateur, comme si le vent froid apaisait ses douleurs, jusque dans ses articulations. Il perçoit la ville comme détruite, à cette époque. Cette destruction faite par d’autres personnes lui rappelle sa maladie, son corps. Il découvre un concert de jazz expérimental où il retrouve ce cri de douleur qu’il aimait tant lorsqu’il était plus jeune. Il compare là encore la musique et la douleur qui en émane et les douleurs qu’il a eu à force de ne pas écouter son corps.

Je crois que c’est pour ça que j’écoutais du reggae et du rock : parce que c’était aussi des musiques chantées par des gens qui étaient exclus.

Aujourd’hui, Matthieu vit beaucoup mieux. Comme si son corps, désormais, se ré-générait.

Le corps se prépare d’année en année, il se répare vraiment tout seul.

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